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CD Nativités profanes

— janvier 2010

En ces temps de morosité, de profonde incertitude sur le devenir de la planète, que peut apporter le chant choral ? N’y a-t-il rien de plus urgent à faire que de chanter ? Mais qu’est-ce que cette expérience du chanter-ensemble, sinon une manière, choisie, de former une communauté humaine, contre l’individualisme et l’émiettement de notre société ? Dans ce cas, ce qui réunit en premier lieu les membres de cette communauté, n’est-ce pas un projet défini ensemble ? …

Par exemple, célébrer toute naissance comme une Nativité, toute vie comme méritant d’être chantée, nous permet assurément d’aborder la poésie contemporaine avec un territoire ouvert, sans limitation religieuse ou culturelle, et d’amorcer notre dialogue … Ce projet a été l’occasion de réunir deux maîtrises, situées l’une près des sources de la Loire et l’autre près de son embouchure …

Dans Human dream, j’ai conçu un  court mélodrame entre une femme angoissée, la mezzo-soprano, et le chœur des enfants, dont l’énergie lui sera peu à peu communiquée. Les personnages de la Nativité chrétienne – Marie, les anges, … – sont évoqués comme dans une galerie de tableaux, sans autre référence religieuse, mais en allant plus loin dans la réflexion sur le monde, la vie et la mort. Dans cette perspective, le texte Embryon me permet de parler de la naissance d’une manière charnelle, très concrète. Commandée au départ pour accompagner les « Ceremony of Carols » de Britten, cette œuvre a une dramaturgie singulière par rapport au thème de Noël, les tensions s’y résolvent en fin de parcours seulement, et la berceuse finale pour l’enfant à naître, semble adressée au monde.

Plus légères en apparence, les trois pièces de Maternidad nous parlent des enfants pauvres du Chili, auxquels Gabriela Mistral a légué toute son œuvre d’écrivaine.

Dans Kemuri, j’ai rassemblé des textes de deux auteurs différents, afin de mieux différencier le chœur d’enfants et le ténor solo. Celui-ci joue le rôle du poète Takuboku, tandis que les enfants chantent des haïku parlant de la nature et du passage des saison. Au centre de l’œuvre, le poète et sa femme échangent quelques mots, et l’on devine l’enfant à naître, malgré la maladie du poète.

Lorsque j’ai proposé à La Perverie une œuvre où dialogueraient les voix de René-Guy Cadou et de sa femme Hélène,  la réaction fut tout de suite enthousiaste, du fait de la renommée de René-Guy dans la région, et de l’évidence de son langage poétique. Mais la poésie d’Hélène, sa femme, était à peine connue. Le projet comportait donc, d’abord, la rencontre avec celle qui fut la compagne du poète dans les dernières années de sa courte vie, et qui écrivit son tout premier poème au lendemain de la mort de son mari. Pour les lycéens de La Perverie, cette après-midi passée avec une très grande dame de la poésie française, témoin des événements marquants de notre siècle, fut un des temps forts du projet. Depuis le début des années 1950, elle n’a jamais cessé d’écrire, et les textes dédiés à celui qui illumina sa jeunesse sont nombreux, comme un dialogue jamais interrompu par le temps ni la mort. J’ai donc placé en miroir les textes de l’une, et de l’autre, afin que l’on en voie bien les correspondances dans la simultanéité de l’instant musical, bien que ce dialogue, imaginaire, ait eu lieu sur plus de cinquante années. Les liens apparaissent ici tellement vifs, entre l’intuition de sa propre mort chez René-Guy – rendant plus déchirantes encore les paroles adressées à sa femme – et la révolte d’Hélène, qui avec les années prendra un ton plus apaisé, sans jamais rien céder de son intensité, que l’on découvre un amour comparable aux plus émouvants de notre histoire, Héloïse et Abélard, Saint François et Sainte Claire…

En conclusion, Baradoz ar mor, mélodie de type traditionnel dont j’avais réalisé l’esquisse il y a une vingtaine d’années, fut l’occasion d’un travail réunissant les deux chœurs. J’ai ajouté au centre une berceuse, me souvenant de Pêcheur d’Islande, ce beau livre de Pierre Loti dont l’action se passe dans un village breton qui m’est familier : alors que le marin disparaît dans le naufrage de son navire, une mère berce son enfant, et tente de le protéger des malheurs d’ici-bas …

Janvier 2010

Maîtrise de la Loire (Montbrison), direction Jacques Berthelon

Maîtrise de La Perverie (Nantes), direction Gilles Gérard

  Solistes Armelle Morvan, soprano, Corinne Bahuaud, mezzo, Dominique Bonnetain et Xavier Stouff, ténors, Julien Reynaud, baryton, Mylène Lubrano, accordéon, Bruno Lebreton, percussion, Jung Wha Lee, harpe.

Label Inconnu ® et Carmen-Forté

CD « Nativités profanes », Label Inconnu LI 09-1001, distribution Codæx

Extraits audio

  • Human dream, Persephone remembers
  • Human dream, Spell against sorrow
  • Human dream, Paradise seed
  • Human dream, Spell to bring lost creatures home
  • Human dream, The human dream
  • Human dream, Love spell
  • Human dream, Embryon
  • Human dream, Spell of sleep
  • Maternidad, Nino mexicano
  • Maternidad, Piececitos
  • Maternidad, La tierra
  • Kemuri I
  • Kemuri II
  • Kemuri III
  • Kemuri IV
  • Kemuri V
  • Kemuri VI
  • Visages de la terre, Maintenant, tu t'en vas ...
  • Visages de la terre, Si quelqu'un ...
  • Visages de la terre, Je sais ...
  • Visages de la terre, Depuis le temps ...
  • Visages de la terre, Ecoute ...
  • Visages de la terre, Tu es dans un jardin ...
  • Visages de la terre, Ô feuilles lentes ...
  • Baradoz ar mor